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Les marcheurs célèbres : Singh Samangarananapoulé.
7 décembre T 9697 juin T 974
Singh Samangarananapoulé est plus connu sous le nom de Singh Sa, chef de file du mouvement pictural UM (utopie mentale). Il a pourtant passé quatre ans et demi sur Solis, dans la région du désert des Dômes.
Il arrive sur Solis pour chercher à comprendre les mystères des temples abandonnés. Il est largué dans une zone montagneuse de Bêta, d'où il a une vue plongeante sur le désert des Dômes. Il longe sa frange nord pour rejoindre le relais Lecler de Bêta-est, à partir duquel il fera plusieurs expéditions dans la zone des dômes.
Il y découvre de nombreux cadavres momifiés de marcheurs (liste en annexes) et ramène leurs jetons et leurs balises au relais Lecler.
Lors de sa dernière prospection, en avril 974, il découvre pour la première fois le cadavre d'une femme, Sarita Ramillo et en éprouve un choc psychologique important. Il revient aussitôt au relais et rentre à PK.

L'Utopie Mentale

L'année du millénaire (1001) est aussi, dans le domaine pictural, celle des débuts de l'UM, ou utopie mentale, et de son chef de file, Singh Sa, qui n'est autre que l'ancien marcheur Singh Samangarananapoulé. Il ne fait cependant jamais mention de son séjour sur Solis. Le mouvement prend une importance considérable en ce début de millénaire et il est très souvent sur le devant de la scène.
Les peintres de l'UM utilisent la PS (privation sensorielle) pour parvenir à figer leurs visions mentales et à les reporter sur la toile.
Le Centre Utopique s'établit dans une ancienne usine ou les caissons de PS sont installés. Un service d'ordre efficace, la Garde UM, empêche quiconque de pénétrer dans l'enceinte. Les rumeurs les plus fantaisistes circulent sur ce qui se passe à l'intérieur de "l'usine".
En 1006, un nouveau Centre Utopique, financé par de grosses fortunes de la zonhum et de Té-ra, est construit en orbite té-restre. C'est là que Singh Sa va vivre pendant vingt-sept ans, entouré d'une cour de jeunes femmes brunes et bronzées. La rumeur prétend qu'elle doivent aussi être squelettiques et passives pour faire partie des élues.

L'obsession révélée.

En janvier 1033, il descend sur Té-ra et se rend dans une agence connue de police privée. A sa sortie, il convoque la presse et déclare qu'il est maintenant certain d'être le seul dépositaire de certaines images, qu'il veut partager avec le plus grand nombre avant de mourir, car il se sent à la fin de sa vie.
Il commence à organiser une dernière exposition, énorme, entièrement consacrée à des toiles qu'il n'a jamais montrées. Ces toiles, qui ne se rattachent pas du tout à l'Utopie Mentale, déclinent les diverses visions que Singh a eu du visage momifié de Sarita Ramillo dans le désert des Dômes. Il s'agit de plus de douze cents toiles, qu'il a peint en secret depuis son retour de Solis.
Les toiles sont exposées d'une façon particulière. Elles sont isolées les unes des autres par des tentures de couleur sable et on ne peut en voir qu'une seule à la fois. A l'entrée, le visiteur doit signer une décharge de responsabilité. Ensuite, il est muni d'un bracelet qui enregistre le temps passé devant chaque toile et émet un "la" ou un "si" quand ce temps atteint la limite fixée par l'artiste. Ce temps varie de plus d'une minute pour certaines toiles à quelques secondes seulement pour d'autres. La visite doit ainsi durer presque un jour entier, car le temps de présence (on peut fermer les yeux) cumulé est de dix-sept heures et treize minutes. Il est possible de dormir et de se restaurer sur place, dans des espaces isolés par des tentures noires. On ne peut sortir que lorsque l'on a vu toutes les toiles.
L'exposition dure quatre mois, jour et nuit.
La "morbide exhibition de cadavres heureusement desséchés", selon l'expression d'un critique, est un succès multiplanétaire et ne désemplit pas. Malgré les nombreuses tentatives, aucun média ne réussit à obtenir la moindre image des toiles. On peut rencontrer Singh Sa en permanence, et il se plie de bonne grâce à toutes les conversations.
C'est ainsi que Singh Sa rencontre le biologiste Norman Destado. Les deux hommes ont une longue conversation devant l'une des toiles, la seule où le visage de Sarita Ramillo n'a pas l'air mort.
A la fin de l'exposition, Singh Sa reste dix jours seul dans la salle d'exposition. Une milice privée aide les assistants du peintre à monter la garde sans céder.
En fait, Singh prépare un énorme bûcher avec toutes les toiles. Le onzième jour, après avoir envoyé un long message vidéo à Norman Destado, il s'immole par le feu, ne laissant de Sarita Ramillo que les souvenirs de ceux qui ont vu l'étrange exposition.

L'obsession en héritage.

Le biologiste ne révélera que quelques bribes de ce message, il dira simplement que Singh Samangarananapoulé lui a parlé de leur rencontre comme d'une délivrance et de lui-même comme l'envoyé des dieux qui a libéré son âme.
Le désert des Dômes devient dès lors une obsession pour Norman Destado, à tel point qu'il crée une fondation dont le seul but est la résolution du mystère de ces dômes de sable soliens.
Deux ans plus tard, l'ombre de Sarita Ramillo revient un instant dans les mémoires. Norman Destado s'est suicidé chez lui, devant la seule toile que Singh Sa a épargné, celle devant laquelle ils s'étaient rencontrés.