Page de garde Solis, un monde à part...



Ga-E-Miri, ma fille ?
Grégoire Houdier, alpiniste.
Cet homme discret qui sacrifia sa vie à sa passion de l'escalade en solitaire a-t-il eu une petite fille avec une Solienne ?
On sait d'après son journal qu'il a passé trois hivers successifs dans le même village de montagnards soliens.
Malheureusement, il n'en a pas écrit beaucoup dans son journal, à part quelques notes sur les techniques soliennes d'escalade et divers accessoires dont il étudie la fabrication. Ceux qui étudient ce journal parlent des "trous de mémoire" du grimpeur.
L'un de ces étudiants, Malcolm Bernstein, explique que les grimpeurs sont de perpétuels insatisfaits, cherchant dans l'altitude leur accomplissement, et que lorsqu'ils sont confrontés au bonheur, ils oublient cette quête inutile.
Les "trous" du journal de Houdier cadrent trop bien avec cette théorie, lorsqu'on sait la façon typique des Soliens de résoudre les conflits ou les manques émotionnels qu'ils constatent chez leurs semblables.
Une belle Solienne se serait donc "sacrifiée" pour apporter le bonheur à Houdier. Elle lui aurait même donné une petite fille, en le lui cachant pour ne pas l'empêcher de grimper aux montagnes !
En analysant le journal de Houdier*, on trouve, dans le "trou" correspondant au deuxième hiver, une série de feuillets portant des croquis de matériel d'escalade, pics, piolets, crampons et diverses études de palans. Parmi ces dessins, plusieurs sont des esquisses du portrait d'une femme allaitant un bébé.
Dans le "trou" correspondant au troisième hiver, on trouve cette fois le portrait annoté d'une fillette d'environ 18 mois (feuillet 53-963). Ce feuillet porte également des caractères soliens et deux paragraphes de la main de Houdier, dont l'un a été effacé par un masquage à l'encre bleue.
Les caractères soliens sont Ga-E-Miri, ce qui est sans aucun doute le nom de la petite fille.
Houdier le confirme juste en-dessous, dans le premier paragraphe. Pour mémoire, les Soliens portent souvent dans leur nom une partie de celui de leur père ou mère. Voici de premier paragraphe, traduit du franssais, une langue tribale de Té-ra :
"Ga-E-Miri. Je sais que dans mon nom, ils ont mis le caractère Miri, mais ils ne veulent pas me dire mon nom solien, cela reste un tabou, je crois qu'ils savent que je ne pense qu'à monter là-haut !"
Le deuxième paragraphe a été masqué par de l'encre bleue, on pouvait cependant y lire quelques mots, comme "MA FILLE", "sûr" et "AIMER". Il n'en fallait pas plus pour s'intéresser de plus près à ce texte. Un traitement d'image assez simple en a facilement révélé le contenu :
"Gaémiri !! Ga-E-Miri. Est-il possible que cette adorable petite soit ma fille ? MA FILLE ? Je ne peux pas croire que sa mère ne veuille pas m'en dire plus ! Je suis sûr de l'avoir aimée assez pour que cet événement survienne et je veux bien dire AIMER, pas seulement..."
Le texte est interrompu brutalement, mais ne continue pas sur le feuillet suivant. On comprend que Grégoire Houdier éprouve un amour fort pour cette femme solienne (anonyme), tout en doutant de sa propre capacité à distinguer ce sentiment de l'amour physique.
Le masquage à l'encre peut-il signifier que son doute a été levé ? On ne le saura sans doute jamais. La petite Ga-E-Miri est peut être née en 974, et elle aurait donc aujourd'hui (en 1066) environ 92 ans...
D'après les lexiques van Hoost recompilés, Ga-E-Miri signifie littéralement sol-marche-ciel. Plusieurs traducteurs ont écrit que cela pouvait vouloir dire "Semée par celui qui marche dans le ciel". Le doute de Grégoire Houdier sur sa paternité serait ainsi levé.


L'original est consultable sur demande motivée à la Bibliothèque des Marcheurs, Zone Fédérale, Port-Klutter. La demande est la plupart du temps rejetée, sans que l'on sache pourquoi et par qui.